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DE YAOUNDÉ À DUBAÏ : NOS QUESTIONS À ANNICK-ANGE, LA VOIX DE LA MODE AFRO AVANT-GARDISTE

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Qui est Annick-Ange ?


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Je suis née en France, mais j'ai grandi à Yaoundé jusqu'à mes 8 ans. Ensuite j'ai bougé en France, puis en Italie, puis de nouveau au Cameroun, à Douala cette fois-ci ou je suis restée deux ans. Ensuite je suis revenue en France pour le lycée et les études supérieures, qui m'ont menées en Belgique, puis en Chine pendant deux ans et demi.


J'ai fait des études de commerce international et de marketing, et j'ai eu l'occasion de travailler avec des marques dans plusieurs pays pour les accompagner sur des problématiques de déploiement international, de stratégie marketing, et de communication. Et depuis que j'ai créé mon media de mode je travaille sur de la curation et la création de contenu multimédias en parallèle de mon travail à plein temps.


Vous l'aurez deviné, je suis passionnée par les voyages, mais aussi la mode depuis toute petite. J'ai toujours été de nature très curieuse donc j'aime faire de nouvelles expériences, de nouvelles rencontres.


Tu t'es installée depuis peu à Dubaï, quelle est ton expérience en tant qu'afro-descendante dans ce pays du Proche-Orient ?


Je suis à Dubaï depuis environ 7 mois. J'avais besoin de changement suite à un burn-out, donc j'ai saisi une opportunité qui s'est présentée à moi et je suis vraiment partie à l'aventure, sans trop savoir à quoi m'attendre. C'est la première fois que je déménageais dans une ville où je ne connais absolument personne (à Shanghai j'étais avec mon école, donc bien que plus dépaysant, j'avais quand même un point de repère).


À la fin de mes études je suis rentrée en France et j'ai commencé à travailler pour différentes maisons de luxe ou de mode, puis en freelance puis en agence. Et bien que ces expériences aient été très enrichissantes je n'ai pu m'empêcher de ressentir un sentiment de désillusion, surtout comparé a des expériences professionnelles et des opportunités que j'avais pu avoir à Shanghai.


J'ai essayé pendant longtemps de recréer ces expériences, mais à chaque fois j'avais l'impression de m'éloigner de ce que je recherchais.


Depuis quelques temps j'avais envie de repartir à l'étranger, et je n'avais pas imaginé que ce serait à Dubaï que j'atterrirais.


Pour être honnête c'est difficile de se retrouver aussi loin de sa communauté, car en effet je suis très proche de mes cousines et amies et pour certaines d'entre nous, nous étions voisines ! Je ressens souvent ce sentiment de solitude, ce "Fear Of Missing Out" car en n'étant plus à Paris, je rate des événements et des moments d'échange qui me permettaient d'être en immersion dans les univers qui me passionnent, ou de faire des rencontres.


Bien que Dubaï soit une ville hyper cosmopolite ou les activités et les événements ne manquent pas, c'est un écosystème totalement différent où selon moi il n'y a pas encore cette culture commune établie qui permet de rassembler les différentes communautés et de construire ce sentiment d'appartenance. Les cultures Afro se manifestent à travers des événements organisés par les diasporas locales donc c'est cool, mais quand on est à l'intersection de plusieurs univers et cultures on peut parfois ressentir un manque.


J'ai parfois tendance à me replier sur moi-même car j'ai l'impression d'être déconnectée de ce qui m'anime, mais c'est un défi à relever : recréer une communauté et un écosystème de manière plus intentionnelle. Et cela même dans mon rapport à la mode, comment je me définis, ce que je consomme, ce à quoi j’accorde de l’importance. Ça me motive à être plus délibérée dans mes choix, dans mon rapport à la mode, aux cultures africaines et dans ma création de contenu. C'est l'occasion pour moi de faire les choses différemment et de voir ce qui se trouve de l'autre cote de mes peurs ou de mes pensées limitantes. Donc j’ai le champs libre pour créer ce que j’ai envie de vivre !


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Tu es la fondatrice d'Actual Frame of Mind, un média qui "documente, amplifie et connecte la mode avant-gardiste d'Afrique et de la diaspora à une communauté mondiale", peux-tu nous en dire plus ? As-tu des actualités à venir ?


Au départ Actual Frame Of Mind était plutôt un moodboard personnel sur lequel j'épinglais mes inspirations. Et à chaque fois qu’à travers mes recherches je tombais sur des créateurs afrodescendants peu connus, ou peu mis en avant dans l'industrie je ressentais une frustration. Je me disais "Mais pourquoi les magazines ne mettent pas tel ou tel en avant". Et ce sentiment était d'autant plus exacerbé lorsque je voyais que des grandes marques copiaient ou s'inspiraient de marques africaines ou reprenaient certains codes sans créditer les sources.


Je me suis ainsi demandé ce que je pouvais faire à mon échelle, et j'ai décidé d’utiliser ce moodboard comme une plateforme pour faire connaitre ces marques, les personnes derrière, et les récits véhiculés à travers ces créations. J'aime voir des choses qui sortent de "l'ordinaire", surtout vu que cet ordinaire en question est relatif et est souvent imposé par les standards occidentaux et par une vision limitante de ce qu'est la mode en Afrique et dans la Diaspora. Donc j'apprécie ces créateurs et personnes qui apportent un regard nouveau sur la mode, qui définissent leurs propres codes, tout en préservant leurs héritages culturels, qui créent des univers hybrides et racontent leurs propres histoires à travers le vêtement.


Si je parle de "forward thinking fashion" dans la description du media, c'est parce que je pense que mon parcours et mes influences me font naturellement graviter vers des choses qui sont parfois à contre-courant, et c'est ce que j'ai envie de promouvoir.  Ce parti pris au travers de mon média m'a aussi permis de faire des rencontres inattendues et de vivre des expériences hyper enrichissantes : interviewer une photographe soudanaise en visio puis la rencontrer lors de la fête de la musique à Paris, aller dans un atelier d'upcycling à Douala pour rencontrer des créateurs et photographes avec qui j'échangeais pendant plusieurs mois sur Instagram.


Cette facilité à créer des ponts et tisser des liens parce qu'on arrive à se connecter à travers nos passions et nos différentes visions de la mode, pour moi c'est la meilleure partie de Actual Frame Of Mind, cette Global Community justement !


Donc j'utilise la page Instagram d'Actual Frame Of Mind pour partager mon point de vue, mes inspirations, et mettre en avant le travail de créateurs sous forme d'interviews par exemple. J'ai récemment lancé une newsletter dans laquelle je partage des actualités mode et des analyses, et j'aimerais diversifier le type de contenus que je propose, faire des vidéos sur YouTube par exemple. Et maintenant que je suis à Dubaï j'aimerais collaborer avec des créatifs afrodescendants basés dans la région sur des projets visuels ou encore sur des évents !


Est-ce que tu peux nous présenter une marque de mode afro avant-gardiste que tu as découverte il y a peu ?


Il y a quelques mois j'ai découvert The Hybrid Studio, j'ai vu cette marque portée par Marie Tusiama et Marie-Céline Agossa, fondatrices respectives de Archives Ivoire et de Yua Hair et j'ai eu un coup de cœur ! The Hybrid Studio propose des ensembles minimalistes qui se démarquent par leurs coupes et silhouettes qui rappellent les tenues portées par les femmes ivoiriennes dans les années 70-80. J'aime la manière dont les codes de cette époque sont retranscrits à travers les pièces de la marque, tout en proposant quelque chose de moderne.



Tu es d'origine camerounaise, à quel point la culture camerounaise influence-t-elle ton style ? Ton travail ?


Je pourrais m'étaler sur ce sujet pendant des heures, mais je dirais que c'est de là que tout part. C'est au Cameroun que ma passion pour la mode est née, quand j'accompagnais ma mère chez sa couturière à Yaoundé et quand je récupérais des chutes de tissus pour ensuite en faire des tenues pour mes poupées.


J'ai baigné dans un univers très éclectique, dans lequel j'entendais parler Anglais, Français, Bassa ou encore Foufouldé autour de moi.


Je me souviens des amies de ma mère qui venaient à la maison avec leurs superbes parures de bijoux et leurs boubous hyper colorés, ou encore des tenues portées lors des mariages, les uniformes scolaires des enfants que je voyais sortir de l'école et que j'enviais terriblement parce que moi aussi je voulais un uniforme, du pagne de la journée de la femme qui était d'un imprimé différent chaque année et qu’il fallait s’empresser d’acheter, des célébrations du Ngondo chez les Sawa.


Le fait de grandir dans un univers qui est aussi riche de par ses cultures locales, et en même temps hyper connecté au monde entier (à travers la consommation de musiques américaines ou congolaises, de séries et films burkinabés ou ivoiriens) a fait de moi la personne que je suis aujourd'hui. Pour moi c'est vraiment une chance d'avoir grandi au Cameroun et d'avoir pu intérioriser une culture aussi riche.


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Je suis obsédée par les couleurs (je crois que j'ai vraiment des pièces de toutes les couleurs dans mon dressing je me suis dit qu'il fallait que je me calme), et je pense que ça vient de là. J'ai vécu entourée de femmes qui avaient leurs propres codes vestimentaires, qui voyageaient, qui ramenaient des pièces de créateurs européens qu'elles accordaient avec des pièces faites sur mesure ou des tenues traditionnelles. Donc je pense qu’inconsciemment je reproduis ces rituels de style et de beauté, tout en les fusionnant avec la sensibilité pour d’autres univers esthétiques et culturels que j'ai pu développer au fil des années en vivant à l'étranger.


En ce qui concerne mon travail, je pense que cet héritage influence énormément mon point de vue et la manière dont je procède. Je suis de nature très passionnée, et je suis toujours en train d’essayer de créer des ponts entre différents univers et différentes cultures, de trouver des points communs là ou on ne les soupçonnerait pas. J'ai toujours envie de tester des nouveautés, et de conquérir de nouveaux défis. Comme on dit souvent, "Impossible n'est pas Camerounais" !


Quel est le dernier article que tu as ajouté dans ta wishlist mode, beauté ou lifestyle ?


Mes yeux sont toujours rivés du côté de la belle-famille donc c'est bien évidemment la robe Banahaga de la collection POROmancy de la marque ivoirienne OLOOH qui m'a tapé dans l'œil !


Un mot pour la communauté des Robeuses ?


Vivez chaque jour à fond et n'attendez pas d'avoir des occasions pour porter vos plus belles tenues, créez vos propres occasions !


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Annick-Ange est sur instagram @annickazl_ et @actualframeofmind.


Les Robeuses

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