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QU'EST-CE QUE LE LUXE EN 2025 ?



Il y a quelques semaines, nous avons assisté à une soirée de présentation de la nouvelle fragrance de la maison Dior, Bois Talisman avec Christian Bitar, l'ambassadeur parfum International France (Merci Carol Zakia pour l'invitation). Lors de cette soirée, qui a eu lieu dans la boutique historique de la maison, le 30 Montaigne, située comme son nom l'indique au 30 avenue Montaigne, nous avons d'abord eu le droit à une visite de la boutique et de ses différents univers. Puis nous avons été accueillis avec une coupe de champagne dans la serre d'hiver, avant d'assister à la présentation. Notre expérience avec la maison Dior s'était jusque-là arrêtée au parfum Hypnotic Poison et au baume à lèvres Dior addict, des produits plutôt accessibles. Et pourtant après cette expérience immersive, on doit bien avouer qu'il nous a traversé l'esprit de consommer d'autres produits de la Maison Dior en commençant par Bois Talisman.


Et cette expérience, en plus de nos conversations avec différents acteurs de la mode, nous a amené à nous poser cette question : qu'est-ce que le luxe en 2025 ? En effet, nous avons tous une vision différente de ce qu'est le luxe et celle-ci est d'autant plus faussée qu'aujourd'hui la frontière entre le luxe et les marques dites premium voire même la fast fashion tend à se réduire comme on le disait déjà dans notre article sur les marques de luxe africaines : la qualité des produits de luxe est de plus en plus décrié alors que les prix ne cessent de grimper, quand du côté de la fast fashion on tente de monter en gamme et de proposer des expériences inédites.


Comme toujours, on vous propose d'abord de retourner à l'étymologie du mot luxe. Il y a là plusieurs sources différentes de ce mot et elles nous permettent de nous faire un avis plus objectif sur la question :

  • Luxe vient du latin "luxus" signifiant excès, débauche : ce qui est assez drôle quand on repense à la division médiatique qu'il y a eu entre le luxe discret (quiet luxury) et le luxe tapageur, finalement c'est comme si l'un s'assumait là où l'autre ne souhaite pas trop que ça se sache. Une définition qui n'est d'ailleurs pas très éloigné non plus de celle du mot luxure, venant du latin "luxuria", l'excès.

  • Luxe vient du mot "lux" signifiant lumière, éclat : le luxe est pour beaucoup synonyme de gloire, de succès, de richesse, il permettrait symboliquement de "briller en société".


Comme quoi, les temps changent... le terme luxe n'aurait pas été utilisé à l'époque comme un mot positif, au contraire il signifiait plutôt l'excès, la débauche (souvenez-vous du film Hunger Game et de la façon dont les riches sont représentés). A notre époque, il est symboliquement devenu un signe d'appartenance à une certaine classe sociale, bien qu'il ne soit plus autant inaccessible qu'il ne l'était il y a 30 ans en arrière (attention nous ne parlons pas de l'ultra luxe qui lui a d'autres codes).


Alors qu'est-ce que le luxe en 2025 ? Encore une fois nous n'avons pas la prétention d'être des expertes du sujet, mais plutôt des personnes naïves et curieuses qui souhaitons partager nos expériences et nos réflexions sur certains sujets.


DES EXPÉRIENCES IMMERSIVES


On a demandé à ChatGPT ce qu'est le luxe et voici la réponse qu'il nous a donné (attention : ChatGPT n'est pas une personne intelligente avec la science infuse, c'est un ordinateur capable de faire un très grand nombre de requêtes extrêmement rapidement) : "Le luxe désigne généralement un style de vie ou des produits qui vont au-delà des besoins essentiels, caractérisés par leur qualité exceptionnelle, leur rareté et leur prix élevé. Il évoque une sensation de confort extrême, d’élégance et de raffinement. Le luxe peut se manifester dans de nombreux domaines : la mode, les voitures, l'immobilier, les voyages, la gastronomie, etc. Au-delà de la simple notion matérielle, le luxe est aussi lié à un certain statut social, à des expériences exclusives ou à un goût pour l'exceptionnel. Il peut aussi être perçu comme une manière de s'offrir des moments ou des objets qui apportent du plaisir et de la satisfaction personnelle, souvent dans des contextes de confort maximal."



À la boutique Dior du 30 Montaigne


Bien sûr, dans le luxe, il est question de prix, car plus le prix est élevé plus il va s'adresser à un nombre de personnes restreint. Toutefois dans cette longue définition que nous a proposé l'intelligence artificielle, nous voulons mettre l'emphase sur les termes suivants : "qualité exceptionnelle", "rareté" et enfin "expériences exclusives". Vous avez certainement dû en faire l'expérience vous aussi, de plus en plus de marques se positionnent comme des marques de luxe en affichant des prix élevés sauf que dans les coulisses, le service client est déplorable et/ou la qualité des pièces n'est pas celle que l'on vous fait miroiter. C'est le cas par exemple de la marque premium Jacquemus. On peut dire ce que l'on veut, Simon Porte Jacquemus est un génie de la communication, il parvient à fédérer plusieurs générations là où certaines marques de luxe échouent encore, et il emprunte à l'univers du luxe plusieurs de ces codes ce qui, pour beaucoup, le place au même niveau que certaines maisons. Pourtant à y regarder de plus près, la qualité de ses sacs a souvent été jugé déplorable, et l'usage du polyester dans la plupart de ses vêtements lui a valu de nombreuses critiques surtout au regard des prix.


A l'inverse, la maison Dior est une maison de luxe et ce positionnement ne fait pas débat. Comme d'autres maisons, elle tient sa renommée de son savoir-faire, de sa longévité, de la qualité supérieure de ses produits, mais aussi de l'expérience unique qu'elle offre à sa clientèle. Et c'est justement ce que nous avons eu la chance de vivre lors de cette soirée immersive pour la sortie de Bois Talisman. Les maisons de luxe ne tentent pas uniquement de vous vendre des produits, elles vous vendent une histoire, un sentiment d'exclusivité. Nous avons eu l'impression d'être invitées dans les coulisses de la création de la fragrance : on nous a narré combien Christian Dior était superstitieux et conservait toujours un morceau de bois sur lui, mais aussi que Francis Kurkdjian, parfumeur de la maison, lui, porte systématiquement un morceau de sucre dans la poche de sa veste. Ce sont ces anecdotes qui sont à l'origine de la conception de Bois Talisman, un parfum mystérieux aux notes de bois de cèdre (le bois) et de vanille (le sucre). Nous avons également pu sentir les notes et avons appris que pour ce parfum la maison avait utilisé des extraits de vanille sauvage mais aussi de vanille artificielle, l'une fera appel à nos souvenirs alors que l'autre moins connue, donnera du caractère à la fragrance.


Et malgré un scandale, révélé en 2024 suite à une enquête de la police italienne, qui accuse Dior de produire des sacs à moindre coût dans des pays ne respectant pas toujours le droit du travail (certains sacs coûteraient quelques dizaines d'euros à produire mais serait vendus des milliers d'euros), on peut difficilement retirer à Dior son statut de grande maison de luxe tant elle réussit à propager dans le monde entier sa vision du Chic Français.


DE L'EXEMPLARITÉ



Exposition "Christian Dior : Couturier du rêve” au Musée des Arts Décoratifs (2017)


Sauf que dans notre question à ChatGPT, nous avons volontairement omis de mettre "en 2025". En effet, le luxe a beaucoup évolué avec les années. Il n'y a pas si longtemps en arrière, il était vraiment réservé à une poignée de personnes appartenant à un certain statut social, quand pour les autres il était plutôt un rêve quasi insaisissable. Avez-vous vu le très beau film "Une robe pour Mrs Harris" d'Anthony Fabian sur Netflix qui se situe dans un Paris des années 50 ? Aujourd'hui le luxe est certes devenu plus accessible, avec le prêt-à-porter, une innovation des années 50 qui nous vient des Etats-Unis, puis avec l'avènement des réseaux sociaux qui nous a ouvert les portes de cet univers encore peu connu... et pourtant il semble que le luxe ait un peu perdu de sa superbe.


Les deux cas que l'on vous a suggéré dans le paragraphe précédent en sont un parfait exemple, la course au profit mènerait elle le luxe à sa perte ?

  • La première chose qui pâtit de cette course au profit, la créativité. Les directeurs artistiques des marques de luxe doivent suivre le rythme effréné du calendrier de la mode. Aujourd'hui avec l'ajout de la mode masculine, on attend d'eux de sortir pas moins de 5-6 collections par an à hauteur de 40-50 silhouettes par défilés, et bien sûr d'être créatifs, originaux, et surtout de faire des ventes. Une année à ce rythme, on imagine que c'est difficile mais on peut avoir des idées dans son tiroir que l'on souhaite explorer ; la deuxième année, pas sûr que la lucidité soit toujours au rendez-vous. Et qu'en est-il de ce mercato de designers qui vont de maison en maison remettre le même couvert ? Le monde de la mode est-il à ce point à court de talents ou les maisons ont-elles peur d'innover ?

  • Deuxième chose et non des moindres, la qualité. Parce que qui dit plus de profit, dit augmenter les marges et il est clairement difficile d'augmenter cette marge quand on produit en Occident où les salaires et les charges sont en constante augmentation. Alors à l'instar de Dior, on ne doute pas que d'autres marques ont choisi d'aller produire dans des pays d'Asie où la main d'œuvre est certes moins chère mais où les savoir-faire ne sont pas les mêmes. Mais en 2025, avec les notions comme l'écoresponsabilité, la transparence, l'équité au cœur des préoccupations des consommateurs, est-il acceptable de duper ainsi le client ?


Avec les tarifs appliqués et les augmentations injustifiées que l'on observe, ne sommes-nous pas en droit d'attendre du luxe qu'il soit exemplaire ? En 2025, le luxe doit rimer avec durabilité. Alors on ose proposer des solutions : ne serait-il pas préférable de présenter moins de collections afin de laisser les directeurs artistiques exprimer leur génie ? Hors saison, de s'appuyer sur des produits iconiques que l'on peut aisément décliner à l'infini ? De proposer des produits en édition limitée à des prix décents ?


Et bien sûr, on ne peut pas parler de luxe sans aborder l'inclusivité. On vous parlait de Jacquemus et comment au travers de sa communication, il parvient à rassembler une autre communauté : une jeunesse qui consomme avant tout via les réseaux sociaux, une population non parisienne qui ne se reconnaît pas toujours dans les codes de la capitale, les rappeurs et autres "laissés pour compte" de l'univers du luxe qui sont pourtant prêt à mettre leur pouvoir d'achat dans les vêtements des grandes maisons. Le succès de la marque n'est donc pas si étonnant que cela, il est plus facile pour des "nouveaux riches" de s'identifier à Jacquemus la marque mais aussi à Simon son fondateur.


Toutefois on notera que la méga-marque Louis Vuitton semble être celle qui se maintient le mieux dans le secteur en 2024 par rapport à ses consœurs. Sa force : elle s'adresse autant à une jeunesse hyper connectée qu'à une clientèle plus âgée qui recherche avant tout la qualité et des pièces qui traverserons les générations. L'arrivée du producteur de musique, Pharell Williams en tant que directeur créatif homme, succédant au génie de la mode Virgil Abloh, joue certainement un rôle important dans la popularité de la marque qui séduit jeunes et moins jeunes de différentes classes sociales. L'inflation, les réseaux sociaux, le boom des marques de fast fashion en passe de redorer leur image, les marques asiatiques et non luxes qui viennent prendre des parts de marché, sont autant de menaces pour le marché du luxe qui s'il ne se réinvente pas, risque la tourmente.


En 2025, le luxe doit également rimer avec inclusivité. Le monde change bien plus vite qu'on ne le pense (et 4 ans, ça passe vite). S'asseoir uniquement sur les vestiges du passé en espérant gagner toujours plus ne semble plus faire être la recette miracle. "La folie, c'est de faire toujours la même chose et de s'attendre à un résultat différent" - Albert Einstein.


UN HÉRITAGE VIVANT



Exposition "Lesage, 100 ans de mode et de décoration" au 19M


Le 19M, lieu unique situé entre Paris 19ème et Aubervilliers, se veut un lieu dédié à la création et à la transmission des métiers d'arts de la mode. Il y a quelques semaines s'est terminé "Lesage, 100 ans de mode et de décoration", une exposition rétrospective dans les coulisses de la célèbre Maison Lesage, maison de broderie et de tissage qui célèbre ses 100 ans. On y a vu des créations époustouflantes, audacieuses et avant-gardistes dans une scénographie immersive avec sons, vidéos et projections.


Et pendant que l'on observait une à une les œuvres exposées, nous n'avons pu nous empêcher d'ironiser sur le fait que même un morceau de tissus, aussi insignifiant puisse-t-il paraître, a toute sa place dans un musée. N'apprend-on pas d'une civilisation à travers son architecture, son art de la table, sa mode, etc. ? Comme on le disait précédemment, le luxe a longtemps été un symbole d'exclusivité. Or en 2025, il n'est plus uniquement question de bijoux précieux, ou de pièces extravagantes uniques, le luxe doit également englober des expériences immersives, une quête d'exemplarité (qualité, inclusivité, écoresponsabilité, transparence...) mais aussi et surtout la valorisation des savoir-faire ancestraux, et la transmission de cet héritage.


Les maisons de luxe, de la haute couture, à la haute joaillerie en passant par le cuir, travaillent à la valorisation de cet artisanat traditionnel et de ces techniques anciennes qui ont fait leur réputation (broderie, couture à la main, fabrication de bijoux…), à travers des expositions ou même des visites guidées des ateliers de couture. Les artisans étant les garants de cet héritage, il est nécessaire de les inclure dans la préservation de ces métiers d'exceptions. Pour ces marques il en va également de la pérennisation de ces savoir-faire c'est pourquoi elles investissent dans des formations et des programmes de mentorat afin de permettre la transmission aux jeunes générations.


L'idée de cet article nous est venue en partie parce qu'on souhaitait également interpeller les marques africaines se qualifiant de marques de luxe mais qui n'ont pas forcément la connaissance des codes de cet univers. Bien sûr, l'Afrique a de nombreux défis à relever, mais elle peut d'ores-et-déjà puiser sa force de ses métiers d'arts ancestraux, les valoriser, les promouvoir et les transmettre. De plus, dans un monde où chaque jour naît une nouvelle marque, il est important de proposer plus que de jolies pièces à des prix exorbitants. En 2025, la couture, le luxe et même la fast fashion doivent séduire une clientèle connectée et consciente des enjeux politiques, sociaux, économiques et écologiques.


En tant que stylistes, nous prêtons une attention particulière aux marques avec lesquelles nous collaborons car elles doivent être cohérentes avec le message que l'on souhaite véhiculer. Notre objectif a toujours été le partage et la transmission car nous pensons que tout le monde peut nous apprendre quelque chose. Nous vous avons donc listé 3 critères que nous prenons en compte avant de collaborer avec une marque :

  • Informations de contact : Les informations de contact de la marque doivent absolument être accessibles. Il peut s'agir d'une adresse mail ou d'un numéro de téléphone, peu importe, mais il est indispensable de permettre à des clients, des acheteurs, des stylistes et autres professionnels de la mode de joindre des représentants de la marque.

  • Site internet : En 2025 il est inadmissible de ne pas avoir de site internet. Les ventes via les réseaux sociaux se sont certes démocratisées, mais elles ne s'adressent qu'à une infime partie de la clientèle potentielle. Et bien que le site e-commerce soit un indispensable, il peut toutefois s'agir d'un site vitrine ou même d'une "landing page" permettant d'accéder aux informations essentielles. Votre site est en maintenance ? Mettez une page d'avertissement sans omettre de donner vos informations de contact. Nous considérons qu'un lien mort correspond à une marque fermée.

  • Communication transparente : Premièrement, vous devez vous imposer un délai de réponse de 48-72h. Passé ce délai, pour la plupart des gens vous n'êtes plus considérés comme un professionnel. De même, vous êtes une entreprise, vous devez absolument consulter vos spams car personne n'a la maîtrise des algorithmes des messageries, certains mails tombent par inadvertance dans les indésirables. Et pour finir personne n'a le temps ni l'envie de jouer au chat et à la souris avec vous. Vous n'êtes pas capable de tenir une date ou un délai, dites-le. Il est préférable pour un client ou un acheteur d'être informé que sa commande va avoir du retard, plutôt que d'être mis devant le fait accompli. De même, vous vous êtes engagés auprès d'une styliste à lui prêter des vêtements, n'imposez pas la location à la dernière minute !


En 2025, il n'est plus possible d'ignorer les technologies comme tremplin vers l'innovation : impression 3D, tissus intelligents, techniques de recyclage et même réalité virtuelle, doivent être fusionnées à l'artisanat pour permettre de répondre aux attentes de consommateurs de plus en plus exigeants. Le luxe ne doit pas rester figé dans le passé, il doit bien sûr continuer de s'appuyer sur ce qu'il fait de mieux afin de séduire une clientèle plus traditionnelle mais cet héritage est vivant et doit également évoluer avec son temps et embrasser les nouveaux défis comme l'intégration de la technologie dans les savoir-faire.


*****


Et d'après vous, qu'est-ce qui définit le luxe en 2025 ? Que sommes-nous en droit d'attendre des maisons de luxe en 2025 ? Pensez-vous que la fast fashion, en empruntant les codes du luxe, peut retrouver grâce aux yeux des consommateurs ? Et quelles marques africaines pourraient, selon vous, devenir une grande maison de luxe ?


Cet article est un peu différent de ce que nous avons l'habitude d'écrire. Notre immersion dans l'univers de la mode et du luxe nous amène à nous poser des tas de questions et nous avions envie de les partager avec vous. Merci infiniment de nous lire !


Les Robeuses

Bureau du Style


Couverture : Exposition "Christian Dior : Couturier du rêve” au Musée des Arts Décoratifs (2017)

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